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« Justice : la colère qui monte » : portrait d’un système en crise

Livre. Ce n’est pas la voix syndicale que l’on entend le plus dans le champ médiatique. Il est donc d’autant plus intéressant de se pencher sur le premier essai de Béatrice Brugère, magistrate pénaliste depuis une vingtaine d’années, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats, organisation affiliée à Force ouvrière. Dans un vigoureux livre loin d’être consensuel (Justice : la colère qui monte, Editions de l’Observatoire, 286 pages, 22 euros), elle fait le portrait d’une justice traversée par diverses crises et propose plusieurs pistes de refondation, dont certaines s’inscrivent dans une vision assez répressive.
Les deux premières parties de cet ouvrage d’un peu moins de 300 pages sont consacrées au constat. Le lecteur y retrouvera nombre de critiques émises d’abord par la « tribune des 3 000 » magistrats et greffiers parue dans Le Monde le 23 novembre 2021 – qui fustigeait une justice au rabais –, mais aussi dans les travaux des Etats généraux de la justice, lancés au même moment.
Le bilan dressé par Béatrice Brugère est donc sévère : malgré les hausses budgétaires et les recrutements massifs, la justice serait en panne, paralysée par des réformes trop nombreuses et inefficaces. La réponse pénale serait insuffisante, la justice civile, dégradée. La justice connaîtrait également une profonde « crise du sens » qui se déclinerait sur plusieurs points. L’autrice défend ainsi une profonde réforme du parquet visant à créer un statut rénové avec une indépendance plus forte des procureurs. Elle fustige également un manque d’« impartialité », particulièrement en ce qui concerne le Conseil constitutionnel, dont la composition serait, selon elle, beaucoup trop politique, donc susceptible de conflits d’intérêts.
La troisième et dernière partie de l’ouvrage traite des propositions. Béatrice Brugère plaide pour une refondation articulée autour d’une sorte de choc de simplification des règles et des mécanismes. Certaines propositions vont même assez loin, comme celle de créer un seul ordre de juridiction, alors que la tradition française sépare justice judiciaire et justice administrative. De même, elle défend l’idée d’une Cour suprême unique, fusionnant les fonctions des Cour de cassation, du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel.
Autre volet important de sa démonstration : la justice pénale. Partisane d’une réponse ferme, Béatrice Brugère veut, entre autres, « réhabiliter la sanction », et défend l’idée de mettre en place des peines très courtes, de quinze jours maximum, dès le premier délit. Leur « effet dissuasif » serait, selon elle, très efficace contre la récidive.
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