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« Le franc CFA suscite bien trop de détestation pour que l’on s’en tienne au statu quo »

Qu’on se le dise, certains ont encore foi dans le franc CFA. Cette monnaie commune à quinze pays africains, indexée à l’euro et garantie par la France, s’impose comme une valeur refuge au Nigeria et au Ghana du fait de l’effondrement, ces dernières années, de leurs propres devises, le naira et le cedi. En comparaison, la stabilité et la convertibilité du franc CFA en font un actif recherché par les hommes d’affaires et les commerçants, qui se soucient peu des controverses relatives à cette « relique coloniale ».
De fait, la monnaie commune a joué un rôle plutôt protecteur face aux turbulences de l’économie mondiale. Tandis que l’envolée soudaine des taux d’intérêt et du dollar rimait avec dépréciations brutales de la monnaie et inflation galopante dans une bonne partie du continent, la parité avec l’euro a limité les dérapages au sein de la zone franc. Les prix ont augmenté moins vite qu’ailleurs, les risques de surendettement y sont demeurés plus contenus.
Voilà pour les faits. Mais tous les raisonnements économiques du monde ne parviendront pas à gommer l’impopularité de cette monnaie, dont l’acronyme signifiait jusqu’en 1958 « franc des colonies françaises d’Afrique ». Plus de soixante ans après les indépendances, ses nombreux détracteurs la dépeignent comme l’ultime legs de la « Françafrique », perpétuant la domination de Paris sur ses anciennes possessions.
« Quatre-vingts pour cent, peut-être même 90 % des jeunes Africains pensent qu’il faut sortir du franc CFA », assénait l’entrepreneur camerounais William Elong, interrogé par Radio France internationale (RFI) et Jeune Afrique le 12 janvier. Ce spécialiste des drones, qui fut le plus jeune diplômé de l’Ecole de guerre économique à Paris, réagissait à l’ambition prêtée aux juntes qui dirigent le Mali, le Burkina Faso et le Niger de quitter la zone franc pour créer leur propre monnaie. « Une idée magnifique », selon M. Elong.
Quel crédit faut-il donner à un tel projet ? A ce jour, celui-ci n’a été guère plus qu’esquissé par les putschistes au pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey. Réunis depuis septembre 2023 au sein d’une Alliance des Etats du Sahel, les trois pays se sont bornés à indiquer leur souhait d’approfondir leur coopération économique et monétaire. Mais, sur fond de rhétorique souverainiste, l’allusion a été largement interprétée comme le dessein d’un abandon du franc CFA. Sur les réseaux sociaux, les internautes ouest-africains sont déjà nombreux à imaginer la naissance prochaine d’une banque centrale des Etats du Sahel…
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